Texte de Valérie Boulva, Chargée de conservation et de restauration à la Bibliothèque de l’Université Laval
Qu’il s’agisse d’un héritage familial ou d’une découverte chez un antiquaire ou un galeriste, il est probable que votre domicile héberge des objets d’une grande valeur sentimentale, pécuniaire ou patrimoniale. À quel point les lieux où ces objets sont rangés et les matériaux avec lesquels ils sont en contact constituent-ils un risque et, concrètement, que pouvez-vous faire pour y remédier? J’avais consacré ma deuxième chronique à la conservation préventive et aux différents risques encourus par les objets muséaux. Voici aujourd’hui quelques conseils pour préserver vos propres trésors.
Les œuvres sur papier
Aquarelles, dessins, estampes, photographies, ou même le diplôme dont vous êtes le plus fier… vous conservez probablement chez vous quelques documents précieux. Notre collection en contient aussi un certain nombre, dont la majorité provient de donateurs privés. Je suis donc au fait de la plupart des dommages qui peuvent se produire chez vous.
Ainsi, le désencadrement d’une œuvre, que ce soit pour la ranger à l’abri de la lumière ou parce que nous y avons remarqué des altérations, entraîne souvent de mauvaises surprises. Lesquelles?De vieux fils rouillés ou effilochés tendus à des anneaux trop fragiles pour le poids du cadre par exemple. Vérifiez donc que le système d’accrochage soit sécuritaire! On trouve aussi — et c’est bien plus grave puisque souvent irrémédiable — des traces d’oxydation causée par l’utilisation de matériaux acides: rectangle jauni laissé par un passe-partout autour de l’œuvre; papier contrecollé sur l’entièreté de sa surface, ou fixé avec du ruban adhésif (à éviter!); taches de rousseur ou jaunissement généralisé causés par le contact avec un dos en carton kraft; marque laissée par une étiquette de prix de vente collée à l’œuvre (il vaut mieux demander au vendeur de l’enlever lors de l’achat). L’indice de la présence de matériaux acides dans un encadrement est visible au bout d’un certain nombre d’années. Examinez le papier support de l’œuvre au plus près du bord intérieur du passe-partout en y cherchant une différence de coloration sur le papier de l’œuvre.
Si vous voyez une fine trace jaune, bingo! Votre encadrement est acide et l’idéal serait de confier votre œuvre à un encadreur qualifié en lui demandant un montage de type muséal, utilisant des matériaux neutres et, si possible, protégé par une vitre munie de filtres anti-UV. La lumière est en effet l’une des principales causes d’altération des couleurs et des matériaux, l’aquarelle et le pastel correspondant aux médiums les plus sensibles. Vos œuvres d’art devraient préférablement être accrochées sur des murs ne recevant pas de lumière solaire directe, loin des sources de chaleur ou des bouches de ventilation. Enfin, la fumée est aussi dommageable, pour les œuvres comme pour les poumons.
L’argenterie
Ce n’est plus très à la mode, mais de nombreuses familles conservent de l’argenterie dans leurs armoires. Et qui n’a aucun bijou en argent qui dort dans une boîte parce qu’il est terni? Si vos pièces d’argenterie ne servent que rarement et sont oxydées au moment où vous me lisez, sachez que cette oxydation les protège et qu’il vaut mieux attendre d’avoir à les utiliser pour les nettoyer, plutôt que de les polir régulièrement. En effet, les produits abrasifs suppriment chaque fois un peu d’argent à la surface, jusqu’à laisser transparaître le métal plaqué.
On portait autrefois des gants de coton blanc pour manipuler l’argenterie. On évitait ainsi que les sels et huiles de la peau y laissent une marque. C’est encore une pratique conseillée. Sinon, il faut minimalement se laver les mains à l’eau et au savon juste avant de manipuler l’argenterie. Le gel hydroalcoolique peut laisser des dépôts nuisibles. Il est donc à proscrire. En empêchant leur ternissure, vous aurez plus de plaisir à utiliser vos objets en argent et vous les conserverez plus longtemps en bon état.
L’argent est aussi sensible aux polluants gazeux et à la poussière. Une armoire en bois (matériau qui libère des vapeurs acides, le bois de chêne étant le pire en la matière) n’est donc pas le rangement idéal. Vous pouvez entreposer l’argenterie dans des boîtes ou cabinets hermétiques, chaque pièce emballée dans un chiffon doux pour éviter les chocs et les éraflures. Même un sac en plastique alimentaire de type Ziploc vidé de son air et bien fermé peut protéger votre argenterie ou vos bijoux. Il en existe dans de nombreux formats. Certains produits absorbent les polluants ou inhibent la ternissure, comme la craie ou le charbon actif. Pensez-y!
Le bois
Nous avons vu qu’il valait mieux protéger l’argenterie des émissions acides du bois, mais ce n’est pas une raison pour vous débarrasser de tous vos meubles anciens. Le bois est un matériau noble, mais plus fragile qu’il n’en a l’air. Protégez vos objets précieux en bois de la lumière directe (surtout solaire), des changements brutaux d’humidité ainsi que des hygrométries trop élevées ou trop basses. Il faut aussi les dépoussiérer régulièrement, et les protéger de l’eau et des objets qui peuvent tacher ou rayer les surfaces. Des feutrines ou de jolis napperons peuvent être d’une grande aide. Enfin, les insectes xylophages peuvent causer des dommages importants et se répandre d’un objet ou d’un meuble à un autre. Surveillez les traces de leur présence: trous ronds ou poussière de bois au sol. Les meubles en bois plaqué (comme dans le cas de l’argenterie) sont toujours plus fragiles et difficiles à restaurer que ceux en bois massif. Ceux qui sont marquetés ou dorés le sont encore davantage. La prévention est toujours à privilégier.
En cas de dommage sur un objet précieux, n’hésitez pas à consulter un restaurateur professionnel. Enfin, pour plus de précisions, je vous invite à visiter le site du Centre de conservation du Québec, riche de conseils et sur lequel je me suis appuyée en toute confiance pour cette chronique.
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