Rédigé par Véronique Hébert
Laissez-moi vous présenter l’histoire d’un retour aux sources, d’un homme qui a fait sa place dans un milieu très féminin et qui redonne énormément à sa communauté huronne-wendat. Frédérick Renaud est né à Loretteville. Il me confie sa tristesse de n’avoir pas pu grandir à Wendake, sa mère autochtone ayant perdu ses droits d’habiter la réserve en se mariant avec un non-Autochtone. Heureusement, cette loi changea en 1985. Il est le cadet d’une famille de trois enfants. Il me parle avec beaucoup d’admiration de sa mère infirmière, maintenant à la retraite, qui pratique l’artisanat autochtone et s’adonne au travail du cuir et au perlage.
Frédérick est un enfant facile qui fait rire les autres en classe. Du haut de ses dix ans, il réalise à ce moment que le milieu de l’éducation a aussi des hommes qui enseignent. Même s’ils sont peu nombreux, ce sera une grande révélation pour le petit Fred. Il aura aussi la chance d’avoir un enseignant masculin en 6e année : Serge Hudon. À cette époque, me confie-t-il, il ne rêve pas de faire ce métier, mais est plutôt attiré vers les soins de santé. Il poursuit sa scolarité au Collège de Champigny, puis entre en sciences pures au Cégep Limoilou où il réalise que la médecine ne sera pas sa voie. Il change de programme après une session pour les sciences humaines qui l’attirent grandement. Durant l’été, sa mère lui suggère de postuler sur un emploi étudiant à Wendake. Il y fait un retour aux sources et occupera durant cinq saisons estivales le poste de responsable du service à domicile auprès des aînés. Il me parle avec le regard vif de son plaisir à rencontrer des aînés de la communauté et à renouer avec des membres de sa famille qu’il redécouvre. La relation d’aide le passionne et son intérêt pour sa culture autochtone prend vie.
L’entrée à l’Université Laval arrive à grands pas, il hésite entre l’enseignement primaire et préscolaire ou l’enseignement du français au secondaire. Il est accepté dans les deux programmes et prend la décision de débuter le BEPEP. La première année, il trouve cela plutôt cool d’être littéralement entouré de femmes. Seulement dix hommes pour deux cents femmes! Graduellement, l’effet s’estompe et il ne trouve pas sa place dans ce milieu féminin. Lors d’un colloque en fin de deuxième année, il confie à Gilles Pelletier qu’il ne souhaite pas poursuivre en enseignement. Ce retraité, un ancien directeur d’école, jouera un rôle marquant pour Frédérick. Il se fait rassurant en indiquant que le stage de troisième année du bac est super intéressant et qu’il doit persévérer. Quelle surprise pour Frédérick (qui décide de suivre ses conseils) lorsqu’il ouvre l’enveloppe de stage et réalise que son superviseur est ce fameux Gilles Pelletier! Hasard ou non, il est enchanté de cette nouvelle! Il termine avec succès son bac et décide de débuter une maîtrise en adaptation scolaire tout en étant suppléant à l’École Watha’ de Wendake. Il obtient rapidement un poste et à 24 ans sa permanence. Il enseignera près de 2 ans en classe-ressource et ensuite pendant 18 ans en 6e année avant d’accepter le poste de coordonnateur des services éducatifs et pédagogiques en 2019. Il débute en septembre 2021 une nouvelle maîtrise en administration scolaire, car il songe à devenir directeur de l’école où il est impliqué avec passion depuis si longtemps.
Une de ses grandes fiertés est d’avoir collaboré à divers projets, comme l’Expo-Sciences autochtone. Il me confie avec émotion qu’un de ses élèves, Adam Vincent Dardari, finissant au doctorat en médecine à l’Université Laval, lui a avoué que l’aventure de cette exposition avait changé sa vie et lui avait fait réaliser le potentiel qu’il avait en sciences. Sortir des sentiers battus, former des personnes différentes et surtout mettre en valeur sa culture autochtone sont des priorités pour Frédérick. En 2018, dans le contexte d’un projet entrepreneurial, il réussit même à convaincre le réputé chef cuisinier Stéphane Modat de collaborer à un grand banquet de fin d’année dans le gymnase de l’école et de cuisiner avec les élèves un tataki de caribou, une soupe traditionnelle et un ragoût d’orignal. Cette activité unique a permis de réunir plus de 150 personnes de la communauté huronne-wendat avec les aînés, les parents et les fratries de ses finissants de 6e année qui ont même collaboré au service et à la préparation du festin. J’en suis impressionnée, ayant travaillé pendant des années en événementiel, je sais à quel point cela demande de l’organisation. Chapeau pour cette initiative! Un livre de recettes a aussi été créé avec le projet d’Expo-sciences qui graduellement a évolué vers des projets d’entrepreneuriat.
Frédérick est aussi le papa de deux adolescentes à qui il a eu la chance d’enseigner. Une de ses filles lui a même dit récemment qu’il avait été son meilleur prof! Il adore la pêche et est un fier adepte de crosse. Saviez-vous que ce sport peu connu au Québec est le sport national d’été au Canada? C’est très populaire en Ontario, en Colombie-Britannique, dans le Nord des États-Unis et en Europe. Dans les années 1970, l’équipe de crosse Les Caribous de Québec avait attiré des foules énormes dans l’ancien Colisée. Frédérick a même retrouvé la coupe des Nations qu’un partisan avait chez lui depuis plus de quarante ans! Elle trône maintenant au Ontario Sports Hall of Fame. Il est président et trésorier de son équipe de crosse et gardien de buts. Deux membres de son équipe ont même eu la chance de jouer à Prague dans un tournoi européen.
En terminant, ce voyage avec Frédérick m’a permis de découvrir un enseignant passionné, mais avant tout un humain authentique et fier de me parler de sa culture huronne-wendat. Cet autodidacte a découvert par ses multiples lectures tant de détails précieux liés à ses origines et à cette culture vivante. Il habite maintenant sur la réserve de Wendake et devinez qui est sa voisine en plus… sa mère!
Merci, Frédérick, pour ta passion, je n’ai jamais eu d’enseignant masculin au primaire, mais tu aurais certainement été aussi un de mes profs préférés!
Vous avez envie d’envoyer vos commentaires à Frédérick Renaud? Écrivez-lui : frederick.renaud@edu.wendake.ca
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Le Fonds a pour objectif de soutenir les étudiants membres des Premières Nations ou des Inuits afin de répondre à leurs besoins, notamment par la création d’une bourse pour tous les cycles et programmes de la Faculté des sciences de l’éducation.