L’Herbier Louis-Marie, un secret bien gardé

Collaborateurs : Kim Damboise, Annie St-Louis et Juan Carlos Villarreal A.

Nous avons tous le souvenir, lorsque nous étions enfants, d’avoir fait sécher quelques plantes entre les pages d’un livre. Or, s’avérant bien plus qu’une activité ludique, les herbiers sont des collections d’histoire naturelle à la base de nos connaissances botaniques.

Qu’est-ce qu’un herbier?

Un herbier est un lieu de conservation de la diversité végétale et un outil de référence pour l’identification des plantes par comparaison. Un spécimen d’herbier est avant tout un témoin concret de l’existence d’une espèce végétale à un endroit précis et à un moment donné. Chaque spécimen possède une valeur heuristique et patrimoniale intrinsèque et ne peut être remplacé.

Un herbier d’importance à l’Université Laval

C’est en 1962 que la Faculté d’agriculture de l’Université Laval acquiert l’herbier de l’Institut agricole d’Oka et fonde l’Herbier Louis-Marie nommé ainsi en l’honneur du Père trappiste Louis-Marie Lalonde. Avec près de 800 000 spécimens, l’Herbier Louis-Marie de l’Université Laval rassemble la plus grande collection universitaire canadienne de végétaux séchés. Cette collection renferme des végétaux de tous les groupes : lichens, algues, mousses, lycopodes, prêles, fougères et plantes à graines. Ces spécimens sont surtout représentatifs de la flore du Québec, mais aussi de celle du Canada, et du monde dans une moindre mesure.

Exemple des groupes de plantes conservées à l’Herbier Louis-Marie. De gauche à droite : lycopode (Diphasiastrum sitchense (Ruprecht) Holub), prêle (Equisetum sylvaticum Linnaeus), fougère (Adiantum pedatum Linnaeus), arbre conifère (Pinus banksiana Lambert), arbre feuillu (Acer saccharum Marshall), plante herbacée (Lobelia cardinalis Linnaeus), mousse (Brachythecium starkei (Brid.) Schimp.), lichens (Rusavskia elegans (Link) S. Y. Kondr. & Kärnefelt) et algue (Antithamnion americanum (Harvey) Kjellman).

En plus de provenir de divers endroits, les spécimens de la collection de l’Herbier Louis-Marie ont été récoltés à différentes époques. Parmi les plus anciens, on trouve ceux qui étaient autrefois hébergés au Musée de botanique de l’Université Laval pour la formation des étudiants, de 1862 à 1940 environ. On compte parmi ceux-ci les spécimens d’Ovide Brunet, fondateur du Musée, ceux de Léon Provancher, auteur de la première édition de Flore canadienne, ceux de Dominique Napoléon St-Cyr qui était à la fois enseignant, homme politique et naturaliste, sans compter les spécimens de bien d’autres botanistes remarquables.

Gauche : spécimen de Lathyrus palustris Linnæus récolté en 1859 à Saint-Joachim par Léon Provancher; droite : exemple d’herbiers anciens rassemblés en recueils.

Le 20e siècle est particulièrement bien représenté, surtout par l’apport du Père Louis-Marie et de ses étudiants de l’Institut agricole d’Oka (79 000 spécimens), par les herbiers de Fabius Leblanc (28 000 spécimens) et d’Ernest Lepage (31 000 spécimens), par la collection de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique de l’Université Laval (20 200 spécimens), par les spécimens de Robert Gauthier (20 000) et de Marcel Blondeau (21 000), ainsi que par les herbiers Pomerleau (20 000 spécimens) et Rolland-Germain de l’Université de Sherbrooke (128 000 spécimens). Même si l’on remarque une baisse importante des récoltes depuis 1980, les étudiants, les chercheurs et les donateurs continuent d’enrichir l’herbier de nouveaux spécimens.

L’Herbier Louis-Marie contient 254 spécimens types. Ces derniers sont très précieux puisque ce sont les spécimens qui ont servi à décrire les taxons. Chaque spécimen type constitue une référence mondiale pour un nom de taxon.

Chaque herbier possède sa spécificité qui découle souvent des axes de recherche des conservateurs et des chercheurs l’utilisant, ainsi que des collections acquises au fil du temps. À ce chapitre, l’Herbier Louis-Marie peut se targuer de posséder la plus grande collection de végétaux provenant du Nunavik.

Les utilités de l’Herbier de nos jours

Pour le néophyte, un herbier pourrait sembler être un ramassis poussiéreux de vieilles plantes sans intérêt scientifique. Or, il n’en est rien. Les herbiers sont des outils d’enseignement et de recherche de toute première importance pour plusieurs disciplines, allant de la botanique à la taxonomie, en passant par la phylogénie, l’écologie et la biogéographie.

Depuis la fin des années 1990, l’informatisation des collections prend une place de plus en plus importante dans les activités quotidiennes de l’Herbier. Cette informatisation consiste à saisir les informations qui se trouvent sur les étiquettes accompagnant les spécimens, puis à photographier ces derniers. Le partage de ces informations sur des plateformes Web ouvertes facilite désormais grandement l’accessibilité à la biodiversité qui se cache dans ces collections. Ces informations constituent une énorme quantité de données pour la recherche fondée sur les preuves, la base de la science moderne. La mise en commun des données provenant de plusieurs collections d’histoire naturelle ouvre la porte à de nouvelles analyses qui étaient difficiles, sinon impossibles à effectuer avant l’informatisation des collections.

Ces preuves recueillies depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles pour certaines collections, fournissent des renseignements uniques sur la façon dont les organismes et les écosystèmes changent au fil du temps et dans l’espace. Par exemple, ces données colligées peuvent être utilisées par les chercheurs pour évaluer l’impact des changements environnementaux, la perte de biodiversité, pour déterminer la répartition des espèces ou étudier des patrons de dispersion dans le temps.

Compte tenu de l’espace et des efforts nécessaires à son maintien, pourquoi conserver le matériel original lorsqu’une collection est complètement informatisée et photographiée?

Les herbiers servent aussi à documenter de nouvelles espèces, à vérifier des identifications ou à décrire les différences entre les groupes. De plus, à mesure que les techniques de biologie moléculaire se raffinent, les spécimens bien conservés sont régulièrement utilisés pour en extraire l’ADN dans les recherches modernes. On comprend donc l’importance de conserver des traces physiques des plantes afin de reconstituer leur histoire évolutive ainsi que celle des microorganismes qui y sont associés.

La conservation, un défi de taille

D’un point de vue institutionnel, la gestion et la conservation d’un herbier présentent plusieurs défis : tout d’abord, physiquement, l’hébergement d’une telle collection nécessite beaucoup d’espace. Abrité dans la salle des collections régie sous des conditions de conservation spécifiques de température et d’humidité, l’Herbier dispose aussi d’une salle de consultation équipée de loupes et de microscopes, en plus d’un grand espace de préparation et d’acquisition de données. Finalement, une bibliothèque constituée de quelque 4 600 ouvrages liés à la botanique sont répertoriés dans Sofia, le catalogue de la Bibliothèque de l’Université Laval.

De gauche à droite : salle de travail de l’Herbier Louis-Marie; réserve contenant plus de 400 armoires spécialement conçues pour la conservation adéquate des spécimens d’herbier; l’Herbier possède des espaces équipés de microscopes, loupes binoculaires et autres instruments scientifiques nécessaires à l’étude des spécimens; en plus de ses ouvrages modernes, la bibliothèque de l’Herbier Louis-Marie possède une intéressante collection de livres rares et anciens.

Une collection de cette envergure exige des employés polyvalents et formés pour veiller au classement et à l’entretien (préparation des spécimens, restauration, contrôle sanitaire pour éviter les infestations d’insectes ravageurs des collections), et possédant de bonnes connaissances en botanique afin d’aider les étudiants, chercheurs et consultants dans leurs recherches.

En 2018, Juan Carlos Villarreal A, coconservateur de l’Herbier, a pris le flambeau de la gouverne laissé par Serge Payette (conservateur de 2004-2021), faisant de lui le 4e conservateur de l’Herbier Louis-Marie. Ses prédécesseurs, M. Payette, Robert Gauthier (1973-2002) et Lionel Cinq-Mars (1962-1973), ont tous su marquer l’histoire de l’Herbier par leurs grandes contributions. M. Villarreal s’intéresse à la systématique, la phylogénie, la génomique et les interactions symbiotiques entre plantes (surtout des bryophytes et lichens) et microorganismes.

Kim Damboise et Annie St-Louis, toutes deux diplômées de l’Université Laval en biologie, travaillent à l’Herbier à titre de techniciennes depuis une dizaine d’années, tandis que Marlène Ferland, agente de secrétariat, veille aux tâches administratives et aide à divers travaux.

Dans un herbier, les tâches à accomplir semblent infinies. Heureusement, grâce à la contribution d’employés temporaires et de généreux bénévoles, il est possible d’entretenir la collection et de faire progresser les travaux d’acquisition de spécimens, la saisie de données et la photographie.

Un sincère merci à ces personnes sans qui la vie à l’Herbier ne serait pas aussi agréable!

Avec le retour à un semblant de normalité à l’automne, nous espérons accueillir à nouveau nos bénévoles en présentiel et désirons étendre l’invitation aux personnes qui souhaiteraient se joindre à notre belle équipe de bénévoles. Dès maintenant, visitez le site Web de l’Herbier pour savoir comment comment collaborer. Vous pouvez aussi contribuer au Fonds L’Herbier Louis-Marie mis en place pour aider à la préservation de cette inestimable collection de l’Université Laval.

Pour toute question ou pour faire part de vos commentaires : herbier@herbier.ulaval.ca

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