Les collections d’objets et de spécimens de l’Université Laval
Une chronique de Valérie Boulva
Nous entrons aujourd’hui dans l’une des facettes les plus complexes et primordiales de mon métier. Qu’est-ce vraiment que la conservation préventive? C’est agir au service des collections pour prévenir les problèmes avant qu’ils ne surviennent et ainsi pérenniser les collections autant que possible afin de léguer ce patrimoine aux générations futures. C’est offrir à chaque objet les conditions dont il a besoin pour empêcher la nature et le temps de faire leur œuvre. Pour résumer : empêcher les objets et les spécimens de nos collections de retourner à la poussière, ou au moins ralentir ce processus.
C’est que même la poussière qui s’accumule sur un objet accélère sa détérioration! En fait, tout peut nuire à la conservation à long terme de nos collections et il faut donc se méfier de tout! La lumière, une température et une humidité relative inadaptées, la pollution, les infestations, et même la manipulation des objets et leur transport d’un endroit à un autre. Outre l’environnement physique des réserves et des espaces d’exposition qu’il faut contrôler au maximum, on doit également également tout mettre en œuvre pour prévenir les sinistres comme le vandalisme, les inondations ou les ruptures de conduites d’eau et même les incendies.
Commençons par le commencement : la lumière. Alors que le soleil est indispensable à notre santé à nous, humains, les objets et les spécimens naturels s’y révèlent particulièrement sensibles. Hormis certains objets en métal, en verre ou en pierre non colorés, ils se décolorent, se fragilisent et s’oxydent. Cette dégradation est imperceptible, mais jour après jour, année après année, elle agit sur l’objet. Cela doit être nuancé, évidemment : la lumière ardente du soleil de midi sera plus agressive que des ampoules DEL tamisées.
La température et l’hygrométrie vont de pair, mais la seconde est certainement la plus importante à considérer. Le casse-tête auquel nous sommes confrontés est que chaque matériau a ses besoins particuliers et devrait bénéficier d’un climat adapté. Le métal doit être au sec, le plastique au frais; le bois, la toile, le cuir et les tissus ont besoin d’une hygrométrie médiane. En cas d’humidité trop importante sur une trop longue période, gare aux moisissures! Que faire alors des objets composés de matériaux aux besoins opposés, comme une caméra ancienne en métal et en bois? Tenter de stabiliser l’environnement autant que possible pour éviter les écarts soudains et les variations saisonnières, énormes sous un climat comme le nôtre. C’est aussi pour cette raison qu’il est nécessaire de limiter au maximum les déplacements d’air, donc l’accès aux réserves : une porte qui s’ouvre, c’est une température et une hygrométrie qui changent!
Une porte qui s’ouvre apporte aussi des polluants de l’extérieur, des poussières et des gaz qui vont entrer en contact avec la surface des objets, les salir et les altérer. Cependant les polluants peuvent aussi provenir de l’intérieur même des réserves. Saviez-vous que la plupart des meubles et des produits de nettoyage émettent des composés organiques volatils? Nos mobiliers de réserve, les contenants et les supports devraient être stables et plus particulièrement sans acide, sans formaldéhyde, sans chlore, sans soufre, sans lignine et sans plastifiant. Pour ces raisons, le mobilier de réserve idéal sera constitué de métal recouvert d’une peinture poudrée — un rêve trop onéreux pour la plupart des institutions…
Cette belle vitrine en chêne? Elle émet des acides acétiques qui vont attaquer de nombreux matériaux (papiers, métaux, tissus naturels par exemple) et les endommager, voire créer d’autres polluants néfastes autant aux objets qu’aux employés et visiteurs. Ce dos en papier Kraft derrière votre gravure ancienne la plus précieuse, collé avec du ruban adhésif ordinaire? Il va la jaunir et la fragiliser. Pour peu qu’elle soit exposée au soleil, en quelques années, elle aura perdu sa fraîcheur et sa vivacité.
Est-il nécessaire d’expliquer en quoi une infestation peut se révéler catastrophique et très coûteuse en temps et en argent pour une collection patrimoniale? Mites, dermestes, insectes xylophages vont adorer la poussière et l’humidité d’une réserve en mal d’inspection, de nettoyage et de contrôles réguliers. Les rongeurs, les oiseaux et d’autres animaux en apparence inoffensifs peuvent aussi causer des dommages sans commune mesure avec leur taille.
Enfin, la manipulation même des objets peut provoquer des bris. Le rangement d’un objet fragile sans soutien suffisant va provoquer sa déformation, parfois sa rupture. C’est pourquoi certains textiles devront être rangés à plat plutôt que suspendus, enroulés plutôt que pliés. Un tableau lourd devra être manipulé par au moins deux personnes et placé sur des blocs rembourrés lorsqu’il doit être posé au sol afin d’éviter que les décorations sculptées de son cadre ne soient abîmées. Ces deux personnes devront d’ailleurs porter des gants si le cadre est recouvert de feuilles d’or. Il faudra soulever une grosse cruche par la base, avec les deux mains, et non par son anse qui pourrait se rompre. Enfin si l’objet doit être transporté hors de la réserve, il faudra lui offrir un emballage sur mesure, où il sera maintenu avec douceur et fermeté.
Je pourrais continuer ainsi longtemps tant chaque cas offre ses propres défis! En effet, toute manipulation et toute mise en réserve d’un objet de collection impliquent de réfléchir aux précautions à prendre pour le préserver dans son état actuel. Plus largement, il faut aussi planifier les actes à poser et les décisions à prendre en cas d’incendie ou de dégât d’eau (que devrions-nous sauver en priorité?), mettre en place des procédures pour le quotidien de la réserve et d’autres à plus long terme. Voilà, c’est un peu tout cela, la conservation préventive.
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