Il y a de ces histoires qui nous donnent envie de les partager tellement elles sont uniques et surprenantes. Laissez-moi vous présenter celle de monsieur Charles Garon, diplômé de la cohorte 1971 de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, spécialisé en enseignement «Enfance inadaptée», discipline où peu furent appelés et remplacée quelques années plus tard par le baccalauréat en adaptation scolaire.
Une de ses réalisations exceptionnelles fut la mise en place et le démarrage d’une école destinée aux enfants et adolescents d’âge scolaire hospitalisés au Département de pédiatrie du CHUL maintenant intégré au Centre mère-enfant Soleil du CHU de Québec. Il y fut d’ailleurs le tout premier enseignant dans les années 1970, donnant ainsi l’élan nécessaire à ses successeurs pour assurer son développement.
Encore aujourd’hui, peu de gens savent qu’il existe au Centre mère-enfant Soleil du CHU de Québec, depuis maintenant 50 ans, une école, sous la juridiction de la commission scolaire des Découvreurs, destinée aux enfants hospitalisés d’âge scolaire. Cette école en milieu hospitalier allait devenir quelques années plus tard le précurseur de l’enseignement à domicile d’étudiants dont l’hospitalisation n’est plus requise, mais exigeant une convalescence; un mandat à cette fin en 1973 fut confié à monsieur Jean Germain, successeur de monsieur Garon. Ce service de scolarisation à domicile est maintenant bien répandu dans les commissions scolaires du Québec.
Contexte
En 1971, le Département de pédiatrie du CHUL commençait à se développer et était composé de deux ailes situées au 3e étage de cet hôpital; le 3e Sud-Est, comme on l’appelait, recevait les enfants hospitalisés de niveau scolaire.
Au départ, cette école a été conçue pour pallier le stress de l’hospitalisation principalement causé par le retrait scolaire. Rappelons ici qu’un enfant hospitalisé est en premier lieu un enfant qui va à l’école et qui est hospitalisé et non son contraire; une réalité sur laquelle il fallait régulièrement attirer l’attention du personnel infirmier et médical, me rappelle monsieur Garon lors de notre échange.
Historique
Le projet d’idéation de l’école pour enfants d’âge scolaire hospitalisés fut mis en place au début des années 1970.
À l’origine, madame Ange-Aimée Marcotte, finissante en sciences infirmières, fut la première infirmière-chef recrutée par madame Claire Gagnon, directrice de l’École des soins infirmiers de l’Université Laval (devenue Faculté en 1997) et du CHUL, pour l’organisation des soins infirmiers en pédiatrie.
Au préalable, elle a demandé de visiter des hôpitaux spécifiques, soient ceux de Sainte-Justine et de l’Hôpital de Montréal pour enfants (Montreal Children’s Hospital). Tout en préparant les soins infirmiers en pédiatrie, elle terminait un brevet d’enseignement dans le but de soutenir la formation des infirmières et, au besoin, d’assurer cet enseignement.
Pendant son stage dans ces hôpitaux pédiatriques, elle fut étonnée de constater qu’il y avait des enfants qui pouvaient poursuivre leur scolarité à l’hôpital.
Dans le cadre de son brevet d’enseignement, madame Marcotte avait fait un travail en ce sens (documenté par des expériences américaines). Elle constata que si cela se faisait à Montréal, il était possible de mettre en place ce service à Québec. Elle décida d’en parler à son retour aux autorités concernées du CHUL. Elle se sentait bien motivée pour apporter cette nouveauté dans son unité de soins, étant assurée de ses effets plus que bénéfiques.
Ce projet sera saisi au bond par madame Bibiane Desrosiers, psychologue de l’UDEM, qui assura les démarches nécessaires pour le faire entériner d’une part par le docteur Robert Gourdeau, directeur du Département de pédiatrie du CHUL (1971-1974), et d’autre part, par monsieur Rock-Émile Lachance, responsable du Secteur de l’enseignement destiné aux inadaptés à la Commission scolaire régionale de Tilly, devenue Des Découvreurs. C’est ainsi que monsieur Garon arriva donc en poste comme premier enseignant en 1971 pour concrétiser ce projet unique en son genre à Québec.
Je ne peux passer sous silence le côté entrepreneur de monsieur Garon qui m’a raconté que pour financer ses études en 1969, il avait obtenu un travail comme premier et seul psychoéducateur à la Crèche St-Vincent-de-Paul. Il fut d’ailleurs remarqué par le docteur Pierre Dussault, pédiatre à cette époque à St-Sacrement et au CHUL qui, lors de ses visites hebdomadaires, voyant sa motivation dans le travail et sa passion du développement des enfants, évoqua l’idée d’une éventuelle implication au CHUL. Il souligne d’ailleurs que cette école n’aurait pu voir le jour et évoluer au quotidien sans le soutien indéfectible du personnel infirmier (Marie Lessard, Louise Beauchamp, Cécile Poirier, Francine Bergeron, Rachel Couture, Marie-France Cloutier et plusieurs autres), sous la gouverne très attentive de madame Ange-Aimée Marcotte, infirmière-chef, qui voyait son rêve se réaliser.
Le quotidien pédagogique…une adaptation au quotidien
Pour monsieur Garon, la priorité était, avant et après l’opération, d’établir un lien rapide et de maintenir une relation humaine avec ces enfants hospitalisés, tout en leur offrant une scolarisation sur mesure.
Le matin, il enseignait en petite cellule à l’élémentaire. L’après-midi, en groupe semi-privé pour le secondaire pour lequel l’initiation au jeu d’échecs était son outil relationnel préféré. Grâce à cette approche particulière, il saisissait rapidement la personnalité de son étudiant. Rappelons-nous aussi qu’à cette époque (1970), l’enseignement des nombres se faisait avec les réglettes. La messe du dimanche, animée par l’aumônier de l’Hôpital, l’abbé Montambault, avait également son importance.
Vous devez certainement vous demander les raisons des longues hospitalisations des enfants à cette époque? Voici quelques exemples : amputation, grand brûlé, fibrose kystique, scoliose sévère, sclérose en plaques, autisme, déficience mentale, anorexie…etc.
Les pédiatres et orthopédistes se sont vite aperçus que, dès que la médication faisait son effet et que leurs protégés étaient mis en mode de scolarisation, leur guérison s’accélérait de beaucoup. Si bien qu’il était fréquent qu’un chirurgien orthopédiste de l’époque, le Dr Louis Roy, informe Monsieur Garon de ce qui allait se passer en lui précisant ses attentes postopératoires. La scolarisation devenait un puissant moteur pour remonter le moral des enfants, pour atténuer l’inquiétude et pour maintenir l’espérance de quitter l’hôpital afin de retrouver au plus vite son mode de vie normal. Depuis sa fondation, plusieurs professeurs ont succédé à Monsieur Garon, parmi ceux-ci : Jean Germain, Claude Côté, Denise Coulombe, Nicole Moreau, Adrien Fortier, Carole Gagné et depuis 2004 Gilles Grenier, tous diplômés de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval.
Imaginez-vous donc que ce dernier, toujours actif du Centre mère-enfant Soleil, était un jeune adolescent sous la responsabilité de M. Garon lorsqu’il s’occupait d’un club d’ados dans les années ‘65 au parc Victoria! Le monde est petit, n’est-ce pas?
Depuis 1971, l’école a énormément évolué et, sous la gouverne de Monsieur Grenier, assisté de Monsieur Martin Thibodeau, technicien en informatique, les interventions pédagogiques maintenant supportées par le virtuel se sont raffinées et adaptées aux besoins de l’enfant hospitalisé en tenant compte de sa condition hospitalière et de son niveau scolaire.
En 1973, Monsieur Garon quitte le CHUL pour , mettre en place les bases d’implantation d’une école à St-François-d’Assise, à la demande d’un chirurgien orthopédiste pratiquant depuis peu à ce nouvel hôpital. En 1975, il prend la décision de poursuivre sa carrière à l’Université Laval comme coordonnateur des activités d’apprentissage au Service des activités socioculturelles, puis comme responsable de l’organisation et de la tenue d’activité de formation continue dans le domaine médical à la Direction générale de la formation continue et, finalement, comme coordonnateur des retrouvailles à l’Association des diplômés de l’Université Laval.
Toujours actif à 74 ans, il est surveillant d’examens, principalement à la Faculté de médecine et à la Faculté des sciences infirmières. Il ne manque jamais l’occasion pour préciser aux finissants de ces disciplines ceci :
«Si vous intervenez auprès d’un enfant d’âge scolaire hospitalisé, il ne faut jamais perdre de vue que cet enfant est en tout premier lieu un enfant qui va à l’école et qui est hospitalisé et non son contraire».
L’école au Centre mère-enfant Soleil pour enfants hospitalisés d’âge scolaire est toujours en fonction et soulignera, en 2021, son 50e anniversaire de fondation. Souhaitons à tous les acteurs de ce service nécessaire et tellement apprécié par tous, une belle continuation.
Texte de M. Charles Garon (garon.charles@videotron.ca) – adaptation par Véronique Hébert, directrice au développement philanthropique de la Faculté des sciences de l’éducation et de la Bibliothèque