Aider aussi les hommes

Pour le travailleur social Gilles Tremblay, se soucier du bien-être et de la santé au masculin est l’un des maillons pour faire avancer toute la société.

Par Catherine Gagné

Tandis que l’actualité récente rapporte plusieurs événements liés à la violence familiale, des questions sur les réalités masculines refont surface. Ainsi, les hommes hésitent-ils encore trop à demander de l’aide ? Parlent-ils assez librement de leurs émotions ? Sait-on reconnaître leur détresse et y répondre adéquatement ?

Pour le professeur associé de l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval, Gilles Tremblay, ces interrogations ne sont pas nouvelles. Au contraire, elles sont au cœur de son parcours professionnel depuis près de 40 ans.

« À mes débuts comme travailleur social, je m’impliquais auprès de groupes d’hommes, notamment en en coanimant des cours prénataux, se souvient-il. Sachant cela, ma directrice de maîtrise, que je réalisais au même moment en service social à l’Université de Sherbrooke, m’a encouragé à me pencher sur le thème de l’intervention auprès des hommes, peu documenté à l’époque. » De fait, le mémoire de Gilles Tremblay a servi d’assise pour développer un modèle d’intervention sociale à la base d’une formation reconnue par le ministère de la Santé et des Services sociaux et par divers ordres professionnels. Ce modèle d’intervention auprès des hommes, qui depuis a permis de former quelque 5000 intervenants, a d’ailleurs mérité au chercheur un prix Hommage aux innovations sociales de l’Université Laval en 2014. Durant 21 ans, le spécialiste a pratiqué son métier de travailleur social en CLSC. En parallèle, il a mené des études doctorales en sciences biomédicales à l’Université de Montréal pour lesquelles il a obtenu son diplôme en 1999.

C’est en 2001 qu’il se joint à l’Université Laval en tant que professeur adjoint à l’École de travail social et de criminologie de l’Université Laval, qu’il a d’ailleurs dirigé de 2015 à 2018. En 2017, il crée la Bourse en études sur les hommes et les masculinités, à laquelle il contribue fidèlement. « Ce soutien permet d’assurer une relève dans le domaine, au-delà de l’enseignement, explique-t-il. Notre École est probablement celle qui forme le plus de diplômés de 2e et 3e cycle sur la thématique des réalités masculines au Québec, ce qui offre de belles avancées. »

Mieux former pour mieux prévenir

D’autres étapes ont marqué le riche cursus de Gilles Tremblay. Par exemple, le professeur a dirigé l’équipe de recherche Masculinité et Société de 2010 jusqu’à la fin de ses activités en 2016. Il a aussi fondé le Réseau Masculinités et Société. Formée d’un regroupement interuniversitaire, interdisciplinaire, citoyen et partenarial, cette organisation sans but lucratif favorise la recherche et la diffusion des connaissances des études sur les hommes et les masculinités. Depuis 2018, il est également responsable du nouveau Pôle d’expertise et de recherche en santé et bien-être des hommes qui regroupe 38 chercheurs et chercheuses provenant de 12 universités canadiennes, principalement au Québec.

La carrière de Gilles Tremblay a été soulignée par de nombreuses distinctions, dont celle en 2018, de travailleur social émérite remis par l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux et du Québec. Il est aussi le premier récipiendaire du prix Hommage Guy Corneau lancé en 2019 par l’organisme d’entraide Hommes Québec. Cette reconnaissance souligne l’apport d’une personne et d’un organisme ayant contribué de façon significative à l’amélioration de la santé et du bien-être des hommes et à la valorisation de la réalité masculine au sein de la société.

Tout en s’avouant ému de ces honneurs, le chercheur, retraité de l’enseignement actif depuis 2019, affirme qu’il faut poursuivre le travail. En autres, pour contrer le décrochage scolaire, qui touche deux fois plus de garçons que de filles, diminuer le nombre de suicides, trois fois plus élevé chez les hommes et prévenir les homicides intrafamiliaux dont ils sont imputables dans 80 % des cas. Des données révélatrices de la difficulté notamment à dépister la dépression chez les hommes et de la nécessité de bien préparer les intervenants à répondre à leur détresse et à intervenir en contexte de violence et de conflits. D’ailleurs, selon lui, soutenir la formation des professionnels dans le domaine représente toujours un enjeu charnière. « Dans le réseau de la santé et des services sociaux, 90 % des intervenants sont des femmes. Tout comme leurs collègues hommes, elles doivent souvent répondre à des besoins typiquement masculins et tenir compte de leur dynamique sans y avoir été préparées. »

Veiller au mieux-être des hommes n’exclut donc pas les femmes, bien au contraire. « J’ai toujours été sensible à la cause des femmes, insiste Gilles Tremblay. C’est important qu’elles poursuivent leur quête, qui n’est pas terminée. Le mouvement #MoiAussi le démontre bien. Mais il faut aussi avancer du côté des hommes pour que ceux-ci soient partie prenante de la démarche des femmes vers l’égalité. Car c’est ensemble que nous irons plus loin. »

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