Une cause toute féminine

La diplômée Eva Bergier réalise un projet pour aider des jeunes Kenyanes à lutter contre la précarité menstruelle.

Par Catherine Gagné

Durant environ 420 mois de leur vie, les protections hygiéniques marquent le quotidien de la plupart des femmes. S’il est assez banal de s’en procurer pour la majorité d’entre elles, ce n’est pas le cas d’une femme sur dix dans le monde. Cette réalité porte un nom : la précarité menstruelle. Que ce soit en lien avec le peu de produits disponibles dans certains pays ou par manque de ressources financières, des milliers de femmes, même au Québec, traversent chaque mois leur période de menstruations sans protection.

Détentrice d’un diplôme de deuxième cycle en administration des affaires – responsabilité sociale et environnementale des organisations, Eva Bergier a choisi de mettre son épaule à la roue pour résoudre en partie le problème.  

L’aventure a débuté en 2019 alors qu’au terme de ses études à l’Université Laval, la diplômée rentrait en France d’où elle est originaire. L’occasion s’est présentée de faire du bénévolat dans un pays en voie de développement avec l’Association Karibu Rêve, dont un mandat en particulier, soit la mise sur pied d’un projet visant lutter contre la précarité menstruelle sur l’île de Mfangano au Kenya. Cet engagement devait se concrétiser en une année : huit mois de préparation, un mois sur le terrain et deux mois de suivi au retour. La jeune femme a plongé. « Ma thèse porte sur les profits extra financiers que peuvent faire les organisations en prenant des mesures de responsabilités sociales et environnementales, raconte-t-elle. J’y voyais un lien direct avec le mandat proposé. De plus, je voulais me prouver que j’étais capable, à 23 ans, de mener un projet qui aurait une véritable portée sociale. »

Au Kenya, l’achat de protections standards représente mensuellement environ deux jours de salaire. L’idée d’Eva ? Créer une culotte protectrice fabriquée à partir de tissus réutilisés (draps et t-shirts) pour une part de 80%,ajustable à toutes les tailles et lavable. « À l’intérieur, on retrouve la partie absorbante, qui est détachable », précise Eva. Bien que celle-ci ait eu carte blanche pour réaliser son projet, elle a dû composer avec les contraintes du terrain, notamment la difficulté de s’approvisionner en tissus. « Il était toutefois hors de question d’acheter des culottes bon marché, fabriquées par des entreprises qui se soucient peu des conditions de travail de leurs employés », relate Eva.

Autre défi, le fait que les femmes de l’endroit n’avaient pas l’habitude de porter de culotte. Néanmoins, les modèles conçus par Eva ont été très bien reçus. Les adolescentes y ont trouvé leur compte, elles qui s’absentaient souvent de l’école durant leurs menstruations, ce qui affectait leurs résultats scolaires. C’est qu’il existe là-bas encore énormément de tabous entourant cette question. « Sans compter que plusieurs jeunes filles doivent se prostituer en échange de protections hygiéniques, confie la diplômée. De plus, peu avant mon arrivée, une Kenyane de 14 ans, du bidonville de Nairobi, s’est enlevé la vie après avoir été humiliée par son professeur en classe alors qu’elle avait taché son uniforme. Lors de ma distribution de culottes, une maman m’a dit : « On vous remercie du fond du cœur, car les cas de suicides sont de plus en plus fréquents. »

Devant ce type de témoignages et en voyant les éclats dans les yeux des jeunes filles, Eva a compris que son initiative répondait adéquatement à leurs besoins. Au terme de son séjour, 240 culottes protectrices réutilisables ont été créées et distribuées. « Chacune était accompagnée de dix parties absorbantes dans une jolie pochette. J’ai aussi laissé tous les patrons aux couturières afin qu’elles en poursuivent la confection. »

Aujourd’hui, Eva Bergier est chargée de projet RSE (responsabilité sociale et environnementale) pour la mutuelle de santé de France Harmonie Mutuelle. Elle considère que son expérience kenyane lui a offert un solide bagage pour son avenir professionnel. Tout comme son passage sur le campus pour lequel elle se dit reconnaissante. « J’avais posé ma candidature dans plusieurs universités, au Québec et ailleurs, et j’ai été acceptée partout. Mais c’est sur l’Université Laval que j’ai arrêté mon choix, car les professeurs y sont investis, experts, proactifs et très près de leurs étudiants. De plus, avec son accréditation STAR, l’établissement met en application ce qu’il enseigne et c’était important pour moi. »

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