Le 21 août dernier, dans le cadre des célébrations entourant le 80e anniversaire du Département de sociologie, la diplômée Marie-Céline Fortin a organisé une cérémonie hommage à madame Denise Veillette, professeure retraitée du Département et première femme à l’avoir dirigé de 1983 à 1986.
Au cœur du pavillon Charles-De Koninck, d’anciens étudiants et étudiantes de madame Veillette ainsi que plusieurs femmes du milieu ecclésial se sont réunis afin de souligner le parcours et le legs de cette grande sociologue, spécialiste de la thématique « femmes et religion ». Malheureusement absente pour des raisons reliées à son état de santé, celle-ci aura l’occasion de regarder un album de la cérémonie qui a été spécialement préparé pour elle.
Ancienne étudiante et amie de la professeure, Marie-Céline Fortin a tenu à réaliser cet événement cher à son cœur pour souligner les grandes qualités personnelles et professionnelles de Denise Veillette, et mettre en lumière le projet majeur de sa vie : l’ouvrage en cinq tomes Les répondantes diocésaines à la condition des femmes. 25 ans d’histoire – 1981-2006.
Une œuvre monumentale sur l’histoire de la place des femmes en Église
En 2004, alors que sa carrière universitaire tire à sa fin, madame Veillette se voit confier un immense mandat par le Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques du Québec et le Réseau des répondantes diocésaines à la condition des femmes. On lui propose de recueillir et d’analyser les témoignages et l’expérience d’anciennes répondantes diocésaines afin de sensibiliser la société aux conditions de travail des femmes dans l’Église catholique du Québec. Marie-Céline Fortin raconte : « En 1981, pour essayer d’être en phase avec l’évolution sociale, le Comité des affaires sociales de l’Assemblée des évêques recommande que chaque évêque désigne une répondante diocésaine, une initiative unique au monde encore aujourd’hui. Dans chaque diocèse, une femme aura le rôle de sensibiliser les divers milieux à la condition des femmes dans la société et dans l’Église. »
Composé de femmes provenant de tous les horizons, le Réseau des répondantes à la condition des femmes est créé en 1988, avec des membres déployées à travers le Québec. Dans un milieu historiquement patriarcal, c’est par leur grande ouverture d’esprit et par leur détermination que les répondantes ont réussi à provoquer d’importantes prises de conscience au sein de l’institution, sur des questions comme la violence conjugale ou le langage inclusif, pour ne nommer que celles-là. « Ces femmes ont alors réalisé qu’elles pouvaient être à la fois chrétiennes et féministes, travailler pour la condition féminine tout en gardant la foi, témoigne Mme Fortin. Pour plusieurs, ça a été une vraie révélation. »
Près de 25 ans plus tard, Denise Veillette accepte donc la mission de raconter leur histoire, pour que perdure la trace de leur engagement social et la portée de leurs convictions.
248 textes, plus de 100 autrices et auteurs
Denise Veillette commence par envoyer des invitations à 16 diocèses pour obtenir le récit des témoignages et les réflexions de ces femmes qui ont œuvré dans l’Église à travers différents postes depuis 1981. Elle s’attend à recevoir une trentaine de réponses; elle en aura finalement près de 250. Ce qui devait faire l’objet d’un livre au départ ne suffira pas. En accord avec son équipe, la décision est prise : il en résultera cinq tomes, chacun portant sur des thèmes distincts. « Denise a été la directrice de recherche du projet, mais c’est plus d’une centaine d’autrices et auteurs qui ont mis leur pierre à l’édifice, d’anciennes répondantes, mais aussi des théologiennes et d’autres personnes, hommes et femmes ayant travaillé dans le milieu ecclésial », précise Mme Fortin. En 2007, la première étape est terminée, l’analyse et l’écriture peuvent enfin commencer.
Ne pouvant accomplir tout cela seule, Denise Veillette peut compter sur une équipe de recherche chevronnée pour vérifier les données bibliographiques des témoignages, relire et corriger les textes.
N’ayant jamais rien fait comme les autres, la sociologue publie d’abord le tome V en 2012, puis le tome IV en 2015. En 2019, on lui diagnostique la maladie d’Alzheimer; elle doit tout arrêter. La rédaction des trois derniers tomes est presque achevée. Un énorme travail d’organisation et d’édition reste à faire pour mener à leur publication.
Elle-même docteure en sociologie, Marie-Céline Fortin décide alors de poursuivre cette œuvre. « C’était inconcevable pour moi que toute cette richesse historique soit laissée sur les tablettes et demeure méconnue, se souvient-elle. C’est en tant que féministe et amie de Denise que j’ai repris le flambeau. Ce que je souhaitais, c’était de voir l’ensemble du travail devenir pérenne par le biais de l’édition numérique et accessible. J’ai d’abord repris les tomes I à III, que Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) a publiés en ligne. » Les tomes IV et V, déjà publiés une première fois sur papier, connaîtront quant à eux une deuxième édition, numérique, revue et allégée, afin que toute la collection soit disponible au plus grand nombre.
Une professeure engagée et humaniste
En 1977, Denise Veillette est devenue la toute première femme à obtenir un doctorat au Département de sociologie, et l’une des trois premières docteures dans l’histoire de l’Université Laval. Professeure puis directrice du Département, elle a contribué avec brio à sa renommée ainsi qu’à l’importante féminisation de la pratique sociologique au Québec.
En plus de l’écriture des cinq tomes sur les répondantes diocésaines, elle a publié le livre Femmes et religion, qui peut-être résume le mieux sa philosophie et sa vision des choses, entre féminisme et sociologie des religions. Marie-Céline Fortin se rappelle : « Denise a toujours été une femme très dévouée, qui se donnait corps et âme à sa vocation. Elle était dotée d’une grande rigueur autant morale qu’intellectuelle. Une humaniste et féministe convaincue et convaincante, mais qui n’a jamais imposé sa vision à personne! »
Les répondantes diocésaines à la condition des femmes. 25 ans d’histoire – 1981-2006
Dès maintenant, vous pouvez consulter la version numérique des tomes I, II et III sur CorpusUL.
Notez que les tomes IV et V en version numérique seront disponibles bientôt.