Issu d’une famille de photographes, François Lemai est un collectionneur et cinéphile passionné. Il évoque les nombreux mariages et les baptêmes auxquels ses parents et lui ont assisté pour capturer ces moments de vie. « Je me suis même déjà rendu à Natashquan pour filmer les parents de Gilles Vigneault! », se remémore-t-il.
Au début des années 2000, alors que la place du numérique devient de plus en plus importante, son intérêt pour les objets de « l’avant-cinéma » est grandissant. D’abord dans les marchés aux puces, puis sur des plateformes de vente et d’achat en ligne, M. Lemai commence à alimenter ce qui deviendra une collection de plus de 2 000 appareils cinématographiques et précinématographiques, l’une des plus importantes qui soient. En effet, environ 60 % de ces pièces de valeur n’ont jamais été vendues ni au Québec ni au Canada et peu de collections dans le monde, voire aucune, offrent un aussi large éventail. Aujourd’hui, en matière de rareté et d’accessibilité, ce genre de collection serait pratiquement impossible à recréer.
« Lorsqu’on commence à collectionner, on devient curieux », explique-t-il. Recherche, identification, authentification… le nombre d’heures que François Lemai a investi dans le but de dénicher ces trouvailles uniques est incalculable. Parmi celles-ci, on retrouve des jouets optiques, des projecteurs et des lanternes magiques importées des quatre coins du globe. Les États-Unis, l’Ukraine, l’Allemagne, la Russie, la Tchécoslovaquie, la France, l’Italie et la Suisse font partie des pays de provenance de ces objets, dont certains racontent plus de 150 ans d’histoire.
Un don d’histoire pour le futur
Français d’origine, François Lemai tenait à ce que sa collection demeure au Québec, sa terre d’adoption. Au départ, il avait acheté un presbytère qu’il prévoyait convertir en musée. C’est en discutant avec Jean-Pierre Sirois-Trahan, professeur au Département de littérature, théâtre et cinéma, qu’il a changé d’idée et qu’il s’est tourné vers l’Université Laval. « Créer un musée demande des fonds, une équipe et beaucoup de préparation. La Bibliothèque avait à la fois l’espace et la volonté pour conserver précieusement les objets. L’enthousiasme de Jean-Pierre Sirois-Trahan m’a fait réaliser l’importance de ma collection sur les plans de la recherche et de l’enseignement », dit-il. En effet, la valeur scientifique de cette collection pour l’avancement des connaissances dans le domaine du cinéma est inestimable. C’est à la suite de cette discussion qu’il a décidé de léguer sa collection d’œuvres à la Bibliothèque de l’Université Laval.
C’est en 2017 que ce généreux don lui a permis de devenir membre du programme philanthropique Les Cent-Associés. Au-delà du prestige et de la reconnaissance associés à ce titre, M. Lemai retire surtout une grande fierté. Son désir était avant tout de rendre sa collection accessible à la communauté étudiante et au grand public : « les générations présentes et futures doivent savoir qu’il y a autre chose que du numérique, et c’est majeur », croit-il. À ses yeux, la curiosité des étudiantes et étudiants qui réalisent des projets de recherche en littérature, théâtre et cinéma à l’Université Laval pourrait sans contredit les amener à rédiger des thèses des plus intéressantes. M. Lemai cite par exemple l’évolution des technologies et la validation de patrimoine dans l’historiographie des équipements cinématographiques ou du précinéma.
Depuis la concrétisation de son geste philanthropique, la collection de M. Lemai a permis l’organisation de diverses expositions thématiques, d’activités culturelles et de colloques. Soulignons l’exposition Pour l’amour du cinéma, présentée à la Bibliothèque de l’Université Laval, qui propose une incursion au cœur de l’univers fascinant de ce grand donateur. Le professeur Sirois-Trahan a aussi tenu le colloque «Matérialité, esthétique et histoire des techniques : la collection François Lemai comme laboratoire », qui a réuni plusieurs chercheurs et spécialistes du cinéma d’Amérique du Nord et d’Europe. Cette activité a permis à des chercheurs de manipuler et d’étudier des appareils très rares.
Pour le spécialiste du cinéma des premiers temps Jean-Pierre Sirois-Trahan, cette collection positionne l’Université parmi les grands joueurs du domaine de la conservation. « La valeur patrimoniale et historique de ces objets est pratiquement inestimable. Grâce à ce don, l’Université peut maintenant tutoyer les grandes cinémathèques. Aucune autre université dans le monde, sauf erreur, ne possède une collection semblable », avance-t-il.
Aux yeux de M. Lemai, qui révèle ne pas avoir d’enfant, offrir cette collection en son nom est une grande fierté : « J’ai le sentiment de transmettre un legs d’une grande valeur à la société. »
Références
https://nouvelles.ulaval.ca/2017/05/04/au-temps-des-lumiere-a:04c71d56-3da8-44bc-9bfa-3ebab61b769a
https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-7890931/collectionneur-equipement-cinematographique