Officière de l’Ordre du Canada, Grande diplômée de l’Université Laval, membre de l’Ordre du Nouveau-Brunswick, nommée au grade de Chevalier des Arts et des Lettres de la République française et Chevalier de l’Ordre du Mérite de la République française, Édith Butler se distingue partout où elle passe. Après 50 ans de carrière, sa passion pour la musique et sa fierté pour ses racines sont toujours aussi vivantes. Découvrez ou redécouvrez le parcours de celle que l’on surnomme « la mère de la musique acadienne ».
Débuts musicaux
Née en 1942 à Paquetville au Nouveau-Brunswick, Édith Butler est « tombée » dans la musique dès son tout jeune âge. « La musicienne dans la famille, c’était ma mère. Elle jouait du piano, elle chantait… elle a toujours été la star de la famille », raconte celle qui a appris le piano à l’âge de trois ans.
De nature timide, Édith Butler ne chantait jamais à la maison. Ce n’est qu’à l’université, au Collège Notre-Dame d’Acadie, qu’elle a fait ses premiers pas sur scène. Pensionnaire, elle jouait de la guitare et chantait des chansons folkloriques dans sa chambre avec les autres filles. Témoin de ses prestations musicales improvisées, Cécile Maillet, la sœur de l’écrivaine Antonine Maillet, lui proposa de jouer à l’auditorium du collège. « Toutes les filles de mon année devaient présenter un discours, mais j’étais trop timide… j’avais peur. Alors Cécile m’a dit “au lieu de faire ton discours, pourquoi ne viendrais-tu pas chanter devant les filles, à l’auditorium”, j’ai dit OK », relate Mme Butler. Le soir de sa prestation à l’auditorium, la fermeture des rideaux n’a pas empêché la foule d’en redemander. « Je ne savais pas quoi faire! Je ne connaissais pas d’autres chansons! On m’a dit : rejoue les trois mêmes », lance-t-elle en riant.
Des souvenirs de l’Université Laval
Édith Butler a toujours présenté un attachement profond pour sa culture et ses ancêtres. À ses débuts en tant qu’artiste, elle visitait les aînés de son village et enregistrait leurs chansons, à l’aide d’un magnétophone, pour bâtir son répertoire musical. C’est d’ailleurs cette curiosité pour ses aïeux qui lui permit de rencontrer, un peu par hasard, l’ethnologue Luc Lacoursière et l’ethnomusicologue Roger Matton, tous deux professeurs à l’Université Laval à l’époque. « Ils cherchaient des informateurs, c’est-à-dire des conteurs, des chanteurs qui connaissent les légendes et on leur a dit : allez voir Édith Butler, elle les connaît toutes! Et donc, c’est moi qui leur ai servi de guide dans toute la péninsule acadienne », raconte la chanteuse.
Impressionné par les connaissances de Mme Butler en matière de folklore et de légendes, Luc Lacoursière l’a convaincue de venir étudier en ethnographie à l’Université Laval. Un choix qu’elle ne regrettera pas, puisqu’elle y obtient en 1969 une maîtrise en lettres, mention ethnographie traditionnelle, qui la sert encore aujourd’hui. « La formation en ethnographie m’a permis d’apprendre ce que mes ancêtres faisaient, ce qu’ils chantaient, comment ils s’habillaient… l’ethnographie, c’était tout ça! […] Et ce qui m’a aidé dans ma carrière, c’était de connaître mes ancêtres et de me connaître, moi, à travers le peuple acadien. Parce qu’à ce moment-là, ce n’est pas rien que moi qui chante, c’est tout un peuple. »
Lauréate du Prix Grand diplômé de l’Université Laval en 2012, Mme Butler dit avoir été grandement touchée par cet honneur. « Ça m’a tellement fait chaud au cœur. Je n’y croyais pas! », se remémore-t-elle.
Les moments charnières
Une carrière aussi brillante est parsemée de moments charnières et d’occasions saisies. L’un de ces moments est sa participation à l’émission de télévision de la CBC Singalong Jubilee au milieu des années 1960. De son propre aveu, ses nombreuses participations à l’émission furent riches en apprentissages. « Ç’a été une bonne école. J’ai appris à écrire la musique, j’ai appris à faire des voix… à amalgamer ma voix à celle des autres, j’ai appris plusieurs accords de guitare et des rythmiques que je ne connaissais pas. J’ai aussi appris à être devant la caméra! »
Son passage à l’émission de télévision française Le Grand Échiquier fut un autre de ces grands moments. Invitée sur le plateau de l’émission de variétés alors qu’elle était à Paris pour faire la musique sur un film de Fernando Arrabal, elle fit ce que seule Édith Butler pouvait faire : être elle-même. « Arrivée sur le plateau, il n’y avait pas de micro pour moi. Alors, j’ai dit au réalisateur : donnez-moi le micro de la foule, ça va être correct! Et je me suis mise à chanter Le grain de mil, a capella, et ç’a été une bombe! À partir de là, tout a déboulé. »
La passion toujours présente
De retour en tournée depuis mars 2022, Édith Butler prend toujours autant de plaisir à jouer. Même plus! Elle a d’ailleurs adoré sa collaboration avec Lisa Leblanc, qui a réalisé son plus récent album. « La façon dont elle a fait les orchestrations, la façon dont elle a dirigé mes voix… c’était exceptionnel! Elle me faisait recommencer jusqu’à tant que, dans mon cœur et dans mon âme, j’aille exactement là où elle voulait que je sois. Il fallait que tout soit vrai! », relate Mme Butler au sujet de celle qu’elle considère comme sa fille.
La grande chanteuse est vraiment fière de la place qu’occupe la culture acadienne sur la scène musicale. Quand elle pense à des groupes comme Salebarbes, Radio Radio et Lisa Leblanc, elle ne tarit pas d’éloges. « C’est bon, ils s’assument! Ce sont des Acadiens forts et puissants! »
Après avoir soufflé 80 bougies en juillet 2022, l’authentique et sympathique chanteuse de Paquetville compte présenter son spectacle Le tour du Grand Bois jusqu’en 2027.
Citation de l’écrivaine et dramaturge Antonine Maillet au sujet de Mme Butler :
Ses chansons, qu’elles soient traditionnelles ou ses propres créations portent sa marque autant que celle de son Acadie. « Et c’est le miracle d’Édith. Chez elle, vous ne saurez jamais très bien distinguer le cru de l’héritage. Car elle croit, comme moi, qu’elle était déjà là, enfouie dans le ventre de l’aïeule ou dans les gênes des aïeux, quand le monde a transmis au pays son héritage. Par conséquent, tout le patrimoine national est le sien. C’est presque dire que l’Acadie, c’est elle. »
Questions en rafale à Mme Butler
Des artistes acadiens à découvrir :
Maggie Savoie et P’tit Belliveau
Un ou une artiste avec qui vous aimeriez partager la scène :
Lisa Leblanc et, du côté de la France, ma grande chum Catherine Lara. C’est une bête de scène! On a déjà partagé la scène pour une ou deux chansons, mais jamais pour un spectacle complet. J’aimerais vraiment ça.
Instrument de musique préféré :
Le piano. Je joue du piano tous les jours et chaque fois, je pense à maman. Elle était toujours au piano.
Un artiste que vous avez vu en spectacle et qui vous a marqué :
Maria Carta dans un spectacle à Paris. J’ai été complètement bouleversée par sa voix.
L’un de vos plus beaux souvenirs de vos années à l’Université Laval :
Ma rencontre avec Robert Grenier. Un homme exceptionnel. (NDLR : Comme Mme Butler, Robert Grenier a reçu le Prix Grand diplômé de l’Université Laval. Maintenant retraité, il a connu une brillante carrière en archéologie subaquatique.)